lundi 27 février 2012

RTL un lundi : et Sarkozy s'en prit à Valérie

Pour sa première interview radio en tant que candidat, Nicolas Sarkozy était ce matin l'invité spécial de RTL  et de ses journalistes Jean-Michel Aphatie, Yves Calvi et Alain Duhamel.

Nicolas Sarkozy sur RTL le 26 février 2012

Sur le fond, Nicolas Sarkozy a fait le job de candidat et s'est exprimé sur les sujets chauds de l'actualité et de la campagne : violences urbaines à la Réunion, refus d'un référendum sur le traité européen de discipline budgétaire, sidérurgie à Florange, prix de l'essence, énergie nucléaire ou encore éducation.

Mais Nicolas Sarkozy n'est pas que dans le combat d'idées.

Et l'on voit qu'il est désormais parfaitement préparé et porte avec délectation ce costume de candidat qui lui va si bien.

Pour preuve, son premier mot, face à la question tranchante de Jean-Michel Apathie :

" - Avez-vous trop avantagé les riches au début de votre quinquennat Nicolas Sarkozy ?

  - Non."

La tête est haute, le ton est franc, les mots sont assurés (on est bien loin ici de la fébrilité affichée face à la question Fouquet's).

Le candidat est installé, le candidat est combatif, le candidat est prêt.
Prêt aussi, et surtout, pour le combat d'hommes. Et son principal (unique?) adversaire se trouve justement face à lui, favori même. De quoi ne pas le ménager, mais à quel prix, avec quel but, et dans quel degré d'intime, voir de bassesse ?


Tout démarra lorsqu'Alain Duhamel se montra percutant, déstabilisant, et stigmatisa la proximité du Président avec certains patrons du CAC 40, a priori tout de même paradoxale pour le candidat qui se veut représenter le "peuple" et se positionner dans l'anti-système.



Sarkozy bout, fulmine, s'exprime. Nouvelle stratégie. L'on m'attaque sur cela ? Je ne m'en défends pas, je contre-attaque :

"C'est moi qui suis l'ami de M. Bergé, propriétaire du Monde, financier revendiqué de François Hollande ? C'est moi qui suis l'ami du banquier de chez Lazard, M. Pigasse, richissime, mettant l'ensemble de ses moyens au service de Dominique Strauss-Kahn, d'abord, puis de François Hollande ?"

Sa nouvelle ligne de défense consiste donc à renvoyer François Hollande dans les cordes de ses propres réseaux, de ses propres amis, comme autant de turpitudes inavouées.

Et une fois le candidat égratigné, à l'interlocuteur d'en prendre pour son grade !

Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy interpelle le journaliste qui se trouve face à lui, brise la carapace professionnelle pour s'adresser à l'Homme, dans un registre personnel : 

"Il n'y a pas de contradiction. Quand on a 35 ans de carrière politique, on connaît un certain nombre de gens. Vous-même, vous les avez invités, tous ces gens-là. Je n'imagine pas que vous soyez - parce que vous avez invité quelqu'un -, que vous soyez dépendant de lui."

Face à un tel argument d'autorité, le journaliste ne peut qu'être désarmé.

Mais Nicolas Sarkozy ne va pas s'arrêter là. Une fois lancé, il serait dommage de ne pas percuter.

Et de manière insidieuse, ce n'est plus l'homme que Nicolas Sarkozy va viser, mais la compagne, Valérie Trierweiler, ancienne journaliste politique reconvertie sur la chaîne de la TNT Direct 8, où elle anime le magazine culturel Itinéraires :

" J'ajoute, on peut continuer les exemples : est-ce moi qui travaille dans le groupe de M. Bolloré ?
Là, Nicolas Sarkozy passe du but au blanc et tire à côté. Incompréhension générale, il se trouve obligé de préciser :

"Ah bon, parce que personne n'a une émission de télévision dans le groupe de..."

Apathie fait enfin le lien, c'est donc bien à Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, que le candidat fait allusion.
Est-ce que le fait de travailler dans le groupe de Vincent Bolloré crée un sentiment de dépendance du candidat socialiste à l'endroit de M. Bolloré ?  Réponse est non, je ne lui ferai pas ce procès, j'aimerai qu'on ne le fasse pas à moi, non plus ! Est-ce que c'est clair ? "
Du yacht de Bolloré à sa chaîne privée, le lien semble être fait.

Au premier niveau, Nicolas Sarkozy retourne les critiques de François Hollande au sujet des liens avec le CAC 40 / du copinage avec le patronat : il serait injuste de lui reprocher à lui ce que la Gauche fait tout autant.

Nul ne sait si cela convaincra, la proximité semblant ne pas être exactement la même des deux côtés.

Mais surtout, comme l'a excellemment remarqué Bruno Roger-Petit sur son blog, Nicolas Sarkozy franchit ici un cap dans la guerre psychologique qu'il livre à François Hollande à distance et à mots couverts.

C'est ce tout autre combat qui se joue, plus profond, plus pernicieux, plus violent surtout.

Nicolas Sarkozy est convaincu de sa supériorité face à François Hollande. Les propos dénigrants tenus en privés sont de notoriété publique et seul son sens politique le retient d'en faire l'étalage médiatique.

Certains de ses confidents en revanche sont moins discrets, à l'image de ce "retweet" de Nadine Morano, qui reprend fièrement un militant indiquant :

"Que ça doit être dur pour le PS de se voir représenté par un homme si objectivement inférieur"


Si lui ne va pas jusqu'à la notion "d'homme si objectivement inférieur" (sic), Nicolas Sarkozy est agacé.

C'est ce candidat PS, face à qui il est persuadé de ne pouvoir que l'emporter, qui lui envoie des pics et l'instrumentalise.

Hollande souligne dans un show privé, qui ne pouvait qu'être rendu public, que Nicolas Sarkozy est un "sale mec".

Hollande reprend sciemment l'expression de "petit garçon" qui, au propre comme au figuré, ne peut qu'énerver le Président-Candidat qui lutte depuis toujours pour compter parmi les grands.

Et l'on se souvient de ce qu'il advient de PPDA qui, le premier, avait usé de cette expression à propos de Sarkozy lors de son premier G8.

Le débat, aussi bien sur le fond que sur la forme, tend ainsi à se radicaliser.

Hollande serein et requinqué, parviendra-t-il à faire craquer un Nicolas Sarkozy dont il joue avec le narcissisme ?

A moins que les conseillers de Sarkozy ne parviennent à le canaliser, comme lors du débat face à Ségolène Royal au second tour en 2007, qui nous avait valu ce mémorable échange :

"NS : Il faut garder son calme et ses nerfs et utiliser des mots qui ne blessent pas.

SR : Les mots de blessent pas, ce sont les actions qui blessent.

NS: Quand on emploie des mots qui blessent, on divise le peuple, alors qu'il faut le rassembler.

SR : Vous êtes blessé ?

NS : Non.

SR : Donc tout va très bien!

NS : Je ne vous en veux pas. Cela peut arriver à tout le monde de s'énerver.

SR : Je ne m'énerve pas, je me révolte, car j'ai gardé ma capacité de révolte intacte."


Les futurs échanges resteront très musclés, la guerre des nerfs n'est pas encore jouée et au delà du sens politique, la psychologie des candidats devra être scrutée, anticipée et analysée par leurs maîtres à penser.

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