dimanche 18 mars 2012

J-35 : Quand la Gauche s’unit et riposte au travail de sape de Sarkozy

Mélenchon à la Bastille, Hollande au Salon du Livre. Le message est on ne peut plus clair : la révolte et le peuple à l’extrême-Gauche, la culture et la modération intellectuelle à la Gauche.

Alors que tout semble mener désormais vers un classique duel UMP/PS au second tour, Nicolas Sarkozy poursuit son torpillage de fond de la personnalité de François Hollande.

Face à cela, la Gauche riposte habilement par une complémentarité de fait.

Le Front de Gauche joue son rôle de mobilisateur autour d'une idée de changement radical incarnée par la VIème République. Le PS, pour sa part, continue sa longue route autour de son projet, plus porté par un anti-sarkozysme que par un réel engouement sur ses idées.

François Hollande s'est exprimé dans la presse britannique.
Image Europe1 - @MAXPPP
Décryptage d’une guerre des camps de plus en plus affirmée.


Nicolas Sarkozy est plus que jamais dans la course et décline une campagne éminemment stratégique. Pour preuve, le Journal officiel d’hier nous apprend qu’Emmanuelle Mignon, son ancienne directrice de cabinet et conseiller spécial, vient d’être placée en disponibilité du Conseil d'Etat jusqu'au soir du 6 mai !

Face aux critiques de panne de bilan, Nicolas Sarkozy fait une campagne tactique, faite de coups d’éclat, de coups de sang et de coups bas.

En effet, comme nous avons déjà pu le voir, Nicolas Sarkozy mène une « campagne-éclair » sans compromis, usant de mots forts, totalement orientée vers le prochain quinquennat et clivant autour de valeurs engagées.

Il profite aujourd’hui du retrait, volontaire ou forcé, de plusieurs candidats de Droite, ainsi que d’une très forte exposition médiatique, pour caracoler en tête des sondages et tenter d’opérer un tour de passe-passe retentissant, métamorphosant le « Président des Riches » en « Candidat du Peuple ».

La stratégie est en marche.



Sûr de lui et de sa verve de candidat, conforté en cela par les dernières prestations en demi-teinte de François Hollande, Nicolas Sarkozy tente de fixer la campagne autour d’un choc des personnalités.

Tout est bon pour affaiblir le candidat socialiste : d’éléments de langage répétés en boucle par ses émissaires à la promotion du hashtag #Francemolle sur Twitter, les attaques fusent sur la personne du candidat socialiste, sa carrière, sa stature, ainsi que la "vacuité" de son programme.

C’est même désormais une « faiblesse structurelle » qui est mise en avant du fait de l’essor du Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, dont Nicolas Sarkozy se réjouit, cherchant même à le conforter en reprenant plusieurs de ses thèmes dans ses propres propositions (critique de l’Europe, de la mondialisation, etc).

Le but de Nicolas Sarkozy est simple : diviser la Gauche en renforçant Mélenchon au premier tour, afin d’ensuite pouvoir appeler à la « vigilance anti-extrême » lors d’un second tour déporté à Gauche, puisque Hollande devrait courir après Le Front de Gauche et son bon score.

Et Benoît Apparu joue ce jeu à fond, déclarant même aujourd’hui sur iTélé vouloir « décerner un Oscar à Mélenchon pour sa campagne » !

Mais il n’est pas certain que cette stratégie porte ses fruits.


En mettant en avant des thèmes pro-Mélenchon, Nicolas Sarkozy prend le risque de remotiver des abstentionnistes, qui s’étaient éloignés des urnes et y se seraient rappelés par les diatribes mélenchonniennes.

Et réussira-t-il vraiment à diviser la Gauche sur ces thèmes ? Sur l’Europe ou la mondialisation, le PS et Mélenchon sont tout à fait capables de s’entendre. D’ailleurs Arnaud Montebourg a récemment été nommé conseiller spécial de François Hollande…

Face aux critiques de « campagne de l’esquive » de l'UMP, François Hollande joue un billard à plusieurs bandes en s’appuyant sur Mélenchon et le Front de Gauche.

La répartition des rôles est désormais claire : le programme et les idées pour le PS, la mobilisation pour le Front de Gauche.

Et le deuxième Homme de Gauche a le vent en poupe.

Orateur de talent, tribun « à l’ancienne » haranguant les foules avec brio, parfois même debout sur une voiture, Jean-Luc Mélenchon orchestre sa campagne tel un grand chef depuis son « Usine », ancienne fabrique de chaussures inoccupée aux Lilas en Seine-Saint-Denis.


Brillante idée que le dépôt d’un trajet de manifestation en préfecture, afin d’économiser le coût de la location d’un Bourget ou d’un Villepinte, pour s’exprimer et rassembler dans la rue jusqu'à un lieu symbolique, la Bastille !

Peu importe la bataille des chiffres, Jean-Luc Mélenchon a réussi à réunir plusieurs dizaines de milliers de personnes afin de battre le pavé depuis la Nation pour faire rougir d'étendards une Bastille noire de monde.

Avec une fougue et une ferveur digne des « 99% d’indignés », Mélenchon a appelé à une VIème République ainsi qu'à une insurrection citoyenne, point d’orgue de sa campagne.

En ces temps de crises, au vue de la faillite grecque et du désastre espagnol, il est logique que son discours porte et le candidat du Front de Gauche a obtenu ce qu'il recherchait : une incontestable démonstration de force réunissant militants et sympathisants.

Une foule immense s’est donc réunie pour écouter un discours bref et condensé de 20 minutes à peine, de quoi propulser sa campagne en communiquant efficacement : sans attaquer frontalement la Droite de Sarkozy et Marine Le Pen, ni parler de François Hollande, Jean-Luc Mélenchon s’affirme comme autonome.

Mais surtout, habile stratège, Jean-Luc Mélenchon ne risque pas de tomber dans le piège tendu par les louanges sarkozystes. Son discours est parfaitement Hollando-compatible. Mélenchon l’a dit ouvertement : « Notre bataille n'est pas d'aller prendre des électeurs aux socialistes » !

Aux clivages sarkozystes, la Gauche répond donc par une stratégie globale et commune, sorte de Gauche plurielle invisible mais bougrement efficace, l’« effet Mélenchon » portant une dynamique de Gauche, recréant un engouement que François Hollande peine à susciter.

Mélenchon est celui qui propose autre chose, qui saura mobiliser et porter les électeurs, qui cristallise les antisystèmes et porte le cri de la colère. En cela, il pourrait même marcher sur les terres de Marine Le Pen et tenter de regagner le cœur des ouvriers, qui semble ne plus vibrer pour la Gauche.

En outre, Mélenchon va être servi par l’égalité de temps de parole, afin de jouer ce rôle de trublion, propulsant les valeurs sociales à la Une des media. Et la Gauche peut se le permettre, eu égard à l’importante avance du duo Hollande/Sarkozy avec les autres candidats.

Ce complément de voix serait très utile pour la Gauche au second tour, mais engendre également un bouleversement du rapport de force entre PS et Front de Gauche. Cela ne devrait toutefois pas inquiéter le Parti Socialiste, qui garde la main sur le Front de Gauche, puisque ses membres ont besoin du soutien du PS pour les élections législatives.


François Hollande ne préempte donc pas l’électorat de Jean-Luc Mélenchon, celui-ci prenant au contraire son envol, mais cela pourrait au final s’avérer complémentaire.

Au rythme auquel va la campagne, celle-ci va encore se durcir et les clivages vont se renforcer. Et puisque Nicolas Sarkozy joue la carte du combat d’Homme, c’est sur la personnalité que cela va se jouer.

François Hollande anticipe que la détestation du "candidat sortant" poussera la Gauche de la Gauche, au second tour, à se rendre aux urnes pour sortir Nicolas Sarkozy, quand bien même l’idée de voter PS ne l’enthousiasmerait pas.

Une dynamique positive s'étant créée au premier tour, la relative volatilité de l'électorat profiterait à l'ensemble de la Gauche, dont les valeurs prédomineraient puisqu'ayant remporté la bataille idéologique.

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Votre analyse est bonne, sauf peut-être sur un point : la gauche n'a pas de stratégie plurielle...

    JLM ne s'est pas présenté aux élections pour le Front de Gauche pour reconquérir un électorat d’extrême gauche pour le PS.

    Le Front de Gauche est un partie politique qui vise la victoire aux élections présidentielles du 22 avril et 6 mai prochains, rien de moins!

    De plus, en aucun cas les ouvriers ne votent plus majoritairement pour la gauche. Vous affirmer quelque chose sur la seule base de votre opinion, sans apporter aucune preuve de vos propos...

    Ce que vous dites est dans la même veine que la stratégie des médias de droite (la majorité, merci l'oligarchie ...) qui visait à faire monter Marine Le Pen. Mais ce n'est pas en répétant des mots (les ouvriers votent pour MLP) qu'ils deviennent réalité ...

    Le Front de Gauche l'a bien montré en remettant MLP et le FN au fond du trou en la combattant pied à pied pour mettre à jour ses fausses idées et fausses propositions!

    Le peuple est en marche, et cela ne fait que commencer!

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  2. Effectivement, la stratégie n'a peut être pas été pensée comme plurielle, mais face à la spectaculaire progression de Mélenchon, le PS s'en acclimate et c'est comme cela qu'elle se dessine selon moi, sciemment ou non...

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